lundi 19 mars 2012

Le grand frisson

Ça y est. J’ai connu le grand frisson. Et pour cause !

Petit préambule.
24 décembre 2003. J’écrivais, dans une lettre à Lou :
« Mon petit prince, Mon petit bonhomme,
J'ai bien conscience que toutes ces lettres que je t'écris aujourd'hui sont incompréhensibles pour toi.
Trop de mots compliqués, trop plein de rêves, d'images, de pensées qui ne t'effleurent pas encore. (…)
Mais un grand frisson me parcoure à l'idée qu'un jour tu puisses me lire.
Cela voudra dire que ta curiosité l'aura emporté sur toutes tes peurs et tes légitimes difficultés. (…)  »

Mardi 13 mars 2012.
Après le goûter et la séance indispensable au piano :
- Viens t’asseoir dans le fauteuil, mon P’tit gars. J’ai quelque chose à te lire.
- Non, j’veux mon I-touch.
- Non, mon gars, aujourd’hui, j’ai un autre programme ! Allez ,viens !
Lou ne discute pas. Plus dans de telles circonstances. Bien que la contestation préadolescente ait fait son entrée dans sa conscience et son langage.
- C’est quoi (prononcez « Kwaaaaa ») ? Dit-il, en se vautrant comme à son habitude dans le canapé.
- Surprise, mon gars. Bon, t’es bien installé ? Je commence… - Un temps, un « blanc » solennel -.
« Bonjour, je m'appelle Lou. J'ai 5 ans au début de ce récit, le 22 septembre 2003.
Je suis aveugle de naissance, et profondément différent dans ma tête.... Mon papa a décidé de réaliser ce blog pour vous faire partager l'expérience un peu folle qu'est mon apprentissage de la vie. A bientôt ! Lou ».
Durant la lecture, je vois un premier sourire apparaître aux commissures de ses lèvres. Puis, il se redresse, les oreilles à l’écoute.
- Alors, Loulou, c’est quoi ?
- C’est mon histoire, dit-il avec un large sourire.
- Hé oui ! Tu te souviens ? Je t’en ai souvent parlé et même lu à l’occasion l’un ou l’autre passage.
- Oui !
- Et donc je te réexplique : c’est moi qui ai écrit en essayant de me mettre à ta place. Comme si tu racontais toi-même ta vie. Donc le « Je », c’est toi. J’ai essayé, sans trop me tromper je crois, de raconter tes sentiments…, la manière dont tu vivais les choses.
Et voilà ce que je te propose : régulièrement, article après article, je vais te lire ton histoire, comme un album photo. On va se souvenir ensemble de la manière dont tu as grandi. C’est pas chouette ? T’as envie que je continue ?
Un « oui » franc me répond. Il se blottit contre moi.
- Fais gaffe, mon pote, ne te cogne pas à la farde et puis donne-moi ta main, je vais te montrer comme il y a beaucoup, beaucoup de pages et donc d’histoires.
Il obtempère. Je lui fais sentir la brique de 544 pages qui engrosse à excès la farde.
- Il y a environ 700 histoires à te lire ! « Toute ta vie », de tes cinq ans à tes onze ans !
- Et après ?
- Hé cool, mon gars, on en a pour quelques mois et puis il y a encore Bèrlebus, mais c’est une autre histoire. Bon, je te lis ?
- Oui !
Je frissonne.
Le chemin parcouru paraît si lointain et celui à venir encore bien incertain, sans aucun doute ardu, combatif et épique. Mais voilà que ce récit jeté comme une bouée à la mer devient une esquife, qui va nous permettre de naviguer sur l’état de conscience de Lou. Dans l’espace infini de ses vagues à l’âme, l’horizon va prendre perspective : passé, présent, avenir.

Je prends le temps d’une pause pour lui expliquer cela. Cette lecture va lui permettre de se rendre compte combien il a grandi, combien sa vie est déjà pleine de souvenirs, de progrès, de haut et de bas qui finissent toujours par le haut.
Nous plongeons à deux dans son passé : « Les papous », la musique qu’il écoutait à l’époque…
- …Et Christophe Maé ? me dit-il, à l’énumération des artistes.
- Ben non, mon gars… Tu ne le connaissais pas encore.
J’en profite pour en remettre une couche pédagogique :
- Tu ne le connais que depuis deux ans. Et est-ce que tu étais malheureux avant de le connaître ?
Référence à ses peurs imaginaires qui l’obsède beaucoup en ce moment : « La peur que Christophe Maé ne soit plus Christophe Maé ».
(Lou… dans toute la complexité de son langage labyrinthique occasionnel.)
- Bon, tu continues, papa ?
Le poisson a mordu à l’hameçon.
Re frisson.

Et nous voilà parti depuis six jours dans son passé.
40 articles plus loin, de nombreux rires et de nombreux souvenirs remontés à sa mémoire, nous avons revisités « le monde et les pays », « Tu veux ta tute ! », « Monsieur René » et les raves nocturnes, « Le Fauteuil qui pleure », « Craque-boum-zut-flute », « la porte qui grince » et j’en passe.

Un rituel s’installe au gré de mes disponibilités*.
Frissons.
Une boucle est bouclée.

* sur ce, il est temps qu’aille lui faire un peu de lecture.

7 commentaires:

wendy a dit…

Coucou Luc,
Je trouve cela superbe que tu lui raconte sont histoire et Lou m'a l'air si content de t'écouter la lui raconter. Cela doit être une superbe découverte pour Lou. Gros bisous à toute la famille

Anonyme a dit…

Plus je vous lis Luc et plus je vous admire quelle belle preuve d'amour !!!

Anonyme a dit…

euh c'est emilie qui à écrit ;)

ANDREE a dit…

OH la la... J'ai les larmes aux yeux en repensant à tous ces moments intenses où tu nous livrais les bons et les moins bons moments de la Vie de Lou, ses peurs mes aussi ses joies, ses inventions tellement magiques... Quels bons moments pendant toutes ces années et je trouve merveilleux que tu lui lises son histoire, c'était ton rêve, et le moment sublime est arrivé je comprends d'ailleurs ton "grand frisson"... Je crois que vous allez passer de merveilleux moments, Lou a toujours été curieux de nature et les rires vont certainement fuser mais aussi quelques larmes s'échapperont... Bonne lecture, profite un max tu l'as bien mérité!!! Un énorme bisou à Lou... BRAVO LUC!!!!

Valérie C a dit…

Quelle réussite, quelle victoire de s'apercevoir que les peurs d'autrefois sont aujourd'hui moteur de progression, de communication, de" connaissance de soi!!

Berlebus (alias Luc Boland) a dit…

C'est effectivement une grande victoire, teintée du paradoxe de notre bonhomme, de plus en plus ancré dans la réalité, avec néanmoins ce quelque chose (des peurs irrationnelles, un monde à lui qu'il continue de crée au gré de son imagination sans borne). Mais nous continuons de savourer les progrès qui dépassent voir outrepassent les pronostics des professionnels... et les nôtres. ;-)

Valérie C a dit…

Oui, c'est vrai que Lou aura toujours ses peurs qu'il dompte comme il peut en se créant son monde, son univers protecteur, mais ce qui frappe, c'est que les deux mondes (le sien et le nôtre) se croisent de plus en plus. L'interface entre eux ne cesse de s'élargir, gage d'échanges pleins de surpises de de bons moments! Carpe diem.