vendredi 27 mars 2015

Retour vers le passé (au hasard d’un message reçu)

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Cela fait longtemps que je me pose la question de continuer ou non à payer le coûteux hébergement du site abritant les premiers blogs de Lou (« Je journal de Lou » et « Lettre à Lou »), entamés en 2003 et abandonnés ensuite en 2009 au bénéfice de celui-ci pour des raisons très claires.

Un courriel reçu ce jour, m’y renvoie :
Bonjour Lou,
C'est avec beaucoup d'émotion et de sourires que j'ai parcouru ton blog tellement touchant. J'ai moi aussi un petit prince a qui je ferai lire ce soir ton journal. Il est en classe découverte en ce moment avec son école et je suis certain qu'il saura t'envoyer un petit mot pour te remercier de faire partager ton quotidien pas comme les autres.
Nous devrions tous apprendre à voir avec le coeur comme tu le fais...!
Merci à toi et reste dans les étoiles petit Lou.

Il y aurait donc encore quelques rares fouineurs du net qui traineraient occasionnellement par là.
L’équivalent de 800 pages A4.

Attention, quand on tombe dans la « soupe » de Lou, il y a à manger et à boire, à lire, à voir ou à écouter pour quelques nuits blanches.
Telle fut ma réponse partielle.

Alors que mon temps est compté, que je ne trouve plus le temps de venir nourrir « Le journal de Bèrlebus », je me laisse retourner dans le passé.
Je me relis le dernier article du "Journal de Lou", puis ensuite la dernière « Lettre à Lou ».

Cette dernière, tellement d’actualité six ans après, me donne l’envie de la partager à nouveau :

Le mot de la fin

Cher lectrice ou lecteur,

Pour la dixième ou quinzième fois -je ne sais plus-, je recommence avec peine la rédaction de cette dernière lettre, qui clôture six années de récits, de réflexions et de questionnements.
J’ai tant de choses à dire à tous ceux qui auront lu ou liront ces pages que je ne sais par quoi commencer.
Le « Journal de Lou » et les « Lettres à Lou » représentent six années de joies, de rires, de doutes, de peurs et de larmes aussi. La Vie, tout simplement. La nôtre au travers d’un prisme particulier.
Cela représente aussi six années d’écritures, durant lesquelles j’ai essayé de vous partager une « partition » personnelle. La mélodie de mes mots s’est modifiée, a évolué au fur et à mesure de cette aventure littéraire, pour être ce qu’elle est aujourd’hui. Des phrases qui sont miennes. Une « musique » qui, j’ose l’espérer, est recevable par autrui.

Je me lance donc dans cette énième tentative, en gardant une ultime fois la règle du genre que je me suis imposé, non sans raison. Cela s’appelle l’Espoir.


Mon petit Prince, mon p’tit Gars, mon grand Lou,

Tu as un peu plus de onze ans aujourd’hui.
Je ne me sens plus le droit de parler en ton nom.
Bien que depuis le premier jour de ce récit, j’ai veillé avec soin à ne pas te prêter des intentions ou des émotions qui te seraient étrangères, je suis conscient d’un aspect pervers de cette forme narrative : tu es bien incapable de formuler les choses tel que je le fais en ton nom– sans doute, le seras-tu à vie -, et cela donne aux autres lecteurs l’illusion d’une conscience du Temps et de la Vie qui, à ce jour, te fait défaut.
Le temps est aussi venu, je pense, de préserver une part de ta vie privée, de ne pas raconter certains détails, bien qu’en réalité, j’y aie toujours accordé une grande attention et n’aie eu pas le sentiment de l’avoir fait. Je me sens néanmoins à la limite de l’équilibre, entre ma recherche de la fidélité absolue envers la réalité et ce que je ne peux pas écrire, entre ma volonté de témoigner et le respect de ton intimité.
C’est pourquoi, je referme ces pages du « Journal de Lou » et des « Lettres à Lou ».
Je n’ai cependant pas l’intention de cesser de communiquer à ton propos, d’expliquer aux autres la réalité qui est la tienne afin que le monde s’ouvre un peu plus à la différence.
Cette forme littéraire disparaît donc, mais pas le combat que j’entends mener.

Cela fait six ans, presque jour pour jour, que je tente ici-même, ou sous une autre forme , de sensibiliser le monde aux valeurs qui sont les tiennes : celle d’un enfant aveugle de naissance et dont la constitution morphologique du cerveau fait qu’il vit, pour l’essentiel de son temps, dans la sphère émotionnelle et (ré)créative. C’est pour nous, tes parents, une sacrée aventure. Nous devons en permanence tenter de décoder dans ton comportement ce qui provient de la part légitime de l’enfance, ou de ton incompréhension du monde qui t’entoure lié à ta cécité et doublé d’un manque de curiosité évident, ou encore d’un mode de fonctionnement mental provoqué par l’absence de ce « Septum Pellucidum » dans ton cerveau. Car voilà, des bonhommes hors-normes comme toi sont rares et n’intéressent peu ou pas la science. Nous sommes et restons bien seuls en l’absence de toute forme de thérapie, d’enseignement ou de méthode réellement adaptée à ta réalité.
Les centaines de récits que j’ai écrits en ces pages, furent d’ailleurs pour moi une analyse méthodique de ta personnalité et de ton schéma mental. Il m’est ainsi arrivé de décoder les raisons d’une réaction de ta part, soit après en avoir rédigé le récit, soit au moment de le lire, ou même de le relire quinze jours après.
J’en suis arrivé, plus d’une fois aussi, à me demander qui, de toi ou nous, avait fondamentalement raison ? Moi, nous, qui n’osons pas aller vers les « autres » ? Ou toi qui fait fit de tout préjugé et t’adresse à la première personne que tu croises pour lui partager tes plaisirs de la vie, ton monde ?
Ces pages ont été aussi pour moi l’occasion de partager nos petites recettes avec toi, notre « PhiLousophie », nos choix éducatifs qui, paradoxalement, ne sont nullement différents de celles que nous appliqu(i)ons avec tes soeurs.

Cette démarche de communication m’a permis, au travers de nombreux messages et courriels reçus, de lire des témoignages d’autres parents, d’autres réalités, et de prendre conscience de l’immense chantier qu’il faut encore mener pour que les familles, ayant une personne en situation de déficience ou de différence, aient un soutien et une aide qui puissent leurs permettre de vivre et non de survivre dans une situation de handicap.
Cela fera bientôt trois ans que la Fondation Lou a été crée et qu’elle œuvre en ce sens, à sa mesure. C’est en ces lieux et suite à vos messages reçus que ma vie a basculé, puisque depuis deux ans, j’ai décidé de consacrer tout mon temps à la Fondation. Un choix irrationnel en termes de « carrière » et de revenus, mais une décision que je ne regrette nullement, si ce n’est la solitude, le manque d’aides concrètes* pour mener à bien tous les chantiers que je voudrais mener. (* à l’exception du chantier de la Plateforme Annonce Handicap)
Je ne compte plus les conseils faits de “Tu devrais...”, “Pourquoi, ne fais-tu pas...”, “Il faudrait que tu...”. C’est d’aides concrètes dont j’ai besoin, car une journée ne compte que vingt-quatre heures. Je ne peux tout mener seul et tu as aussi besoin de ma présence à tes côtés.
C’est donc une des raisons pour laquelle je clôture « Le journal de Lou » et les « Lettres à Lou » : pour me libérer du temps et tenter d’oeuvrer un peu plus encore, dans des actes concrets vis-à-vis de toi et du monde de la déficience et du handicap.

Cette décision est enfin motivée par le sentiment de me sentir un peu à l’étroit sous cette forme de communication. Je voudrais aujourd’hui transmettre les leçons que j’ai apprises en tentant de t’élever et en élevant tes sœurs, ou au travers des innombrables échanges avec d’autres et les écrits sur ces sujets. Car vois-tu, à force d’avoir remis à plat tant de préceptes pour te comprendre et trouver la meilleure voie possible pour t’élever, j’ai été amené à me (re)poser toutes les questions existentielles. De cette recherche et de ces réflexions, est né un grand nombre de convictions qui, mises les unes avec les autres, forment un discours cohérent et d’une logique qui me semble implacable.
Il me tarde de communiquer aujourd’hui à ce propos, sous une autre forme, plus universelle et plus concrète.

En guise de conclusions, je voudrais en partager une d’elle en ces lieux.
La vie est faite d’obstacles et de handicaps, pour tout un chacun. Nul besoin de déficience pour y être confronté.
A titre d’exemple, la simple différence ou l’absence d’amour suffit à générer le handicap. Dans la frénésie de la course à la consommation et à l’enrichissement personnel, de nombreux parents délaissent leur rôle de passeur et d’éducateur. Les enfants, nos enfants, sont aujourd’hui en mal d’amour, de repères et de guides. L’orientation que prend notre société occidentale est en train de générer des millions d’enfants handicapés par l’absence de prise en charge, de repères, en un mot : d’amour.
Car tel est l’Avoir le plus précieux en cette vie.

Enfin, je m’en voudrais de nier ici l’émotion intense qui m’étreint depuis plusieurs jours à l’idée d’écrire le mot « fin » au bas de ce très long récit. De la raison de sa rédaction maintes fois recommencée ou reportée. C’est une page qui se tourne et une page (presque) blanche qui se trouve face à moi. Mais je suis résolu à poursuivre ma route, avec pour unique diplôme celui de « papa » et de « PhiLousophe », quand bien même mes qualifications et mes mots auront, je le crains, bien peu de poids dans le grand cirque médiatique.

Merci à toi, mon bonhomme,
Merci à Claire, compagne de tous les instants et solidaire de ces mots,
Merci à Eva et Mathilde, dont les chemins de vie nous confortent dans les choix éducatifs que nous posons avec toi,
Merci enfin à vous, chers lecteurs, pour votre curiosité, vos commentaires, vos remarques et autres interventions en ces lieux, qui ont été à chaque fois source de courage et de réflexions.

Je terminerai par quatre petites phrases, aux mots précis, car ils sont mon credo au terme de ces six années de réflexions puis d’engagement :
La « déficience » est l'image de notre propre vulnérabilité.
La « différence » est le miroir de nos peurs face à l'altérité.
« L'incapacité » est le reflet de nos valeurs.
Quant au « handicap », il sera généré par notre manque de volonté à dépasser nos représentations
et par notre incapacité à aider et soulager la personne déficiente, différente.

A bientôt, quelque part.

Papa Bèrlebus.

Fin.

mercredi 11 mars 2015

Le Lou volant

Lou adore le mouvement et donc la balançoire... que nous n'avons que dans notre gîte en Ardennes.
Sans la vue, son sens de l'équilibre est étonnant car surdéveloppé.
Cela donne ces superbes photos (de Lara Herbinia).
(cliquer sur les photos pour les agrandir)