vendredi 13 novembre 2009

Quel enseignement pour quelle société ?

Alors que l'on débat sur le décret inscription, fruit de notre enseignement à deux vitesses,
Alors que j'entame un combat (amical) pour un meilleur enseignement pour des enfants comme Lou,
je tombe sur le texte d’un personnage dont les propos résonnent à chaque fois en moi : Albert Jacquard.
Une utopie comme je les aime.

Pour une réforme de l'enseignement...
Une utopie pour un monde meilleur?

Moi, Albert Jacquard, ministre de l’Éducation, je décrète :
L’Éducation nationale ne doit pas préparer les jeunes dont l’économie ou la société ont besoin. La finalité de l’éducation est de provoquer une métamorphose chez un être pour qu’il sorte de lui-même, surmonte sa peur de l’étranger, et rencontre le monde où il vit à travers le savoir.
Moi, ministre de l’Éducation nationale, je n’ai qu’une obsession : que tous ceux qui me sont confiés apprennent à regarder les autres et leur environnement, à écouter, discuter, échanger, s’exprimer, s’émerveiller.  
À la société de s’arranger avec ceux qui sortent de l’école, aux entreprises d’organiser les évaluations et la formation de leur personnel à l’entrée des fonctions.  
Il faut que les rôles cessent d’être inversés : l’éducation nationale ne produira plus de chair à profit.  

Article premier   
Il faut supprimer tout esprit de compétition à l’école. Le moteur de notre société occidentale est la compétition, et c’est un moteur suicidaire.
Il ne faut plus apprendre pour et à être le premier.  

Article deuxième  
L’évaluation notée est abandonnée. Apprécier une copie, ou pire encore, une intelligence avec un nombre, c’est unidimentionnaliser les capacités des élèves.
Elle sera remplacée par l’émulation. Ce principe, plus sain, permettra la comparaison pour progresser, et non pour dépasser les camarades de classe.
Mettre des mots à la place des notes sera plus approprié. 

Article troisième  
Les examens restent dans leur principe, sachant que seuls les examens ratés par l’élève sont valables. Ils sont utiles aux professeurs pour évaluer la compréhension des élèves.   Mais les diplômes ou les concours comme le baccalauréat sont une perte de temps et sont abolis.
Sur tous les frontons des lycées figurera l’inscription : " Que personne ne rentre ici s’il veut préparer des examens. "
   
Article quatrième  
Les grandes écoles (Polytechnique, l’ENA...) sont remises en question dans leur mode de recrutement. La sélection, corollaire nécessaire de la concurrence, et qui régissait l’entrée dans ces établissements, ne produisait que des personnalités conformistes, incapables de créativité et d’imagination.
Pour entrer à l’ENA, des jeunes de vingt-cinq ans devaient plaire à des vieux de cinquante ans. Ce n’était pas bon signe.   

Article cinquième  
Les enseignants n’ont plus le droit de se renseigner sur l’âge de leurs élèves. Les dates de naissances doivent être rayées de tous les documents scolaires, sauf pour le médecin de l’école.
Il n’est plus question de dire qu’un enfant est en retard ou en avance, car c’est un instrument de sélection. Chacun doit avancer sur le chemin du savoir à son rythme, et sans culpabilisation ou fierté par rapport aux camarades de classe.
Par contre, un professeur a le devoir de demander à l’élève ce qu’il sait faire pour adapter son enseignement, éventuellement programmer un redoublement.
Le redoublement est d’une réelle utilité s’il n’a pas de connotation de jugement. 

Article sixième  
Chaque professeur sera assisté d’un professeur de philosophie. Il faut en effet doubler l’accumulation des connaissances d’une approche par les concepts. Il faut en particulier passer par l’histoire des sciences, resituer les connaissances par rapport aux erreurs historiques d’interprétation des savoirs. Il faut que les élèves aient conscience des enjeux politiques qui se cachent derrière le progrès scientifique. On pourra rester quelques semaines sur un même concept, plutôt que de saupoudrer du savoir dans chaque cours.  

Article septième  
Le travail des professeurs par disciplines est annulé au profit du travail en équipe. La progression du travail des classes ne doit pas être perturbée par des impératifs de programme.    

Article huitième  
Chaque personne disposera dans sa vie, vers la fin de la trentaine, de quatre années sabbatiques afin de faire le point, se réorienter, apprendre d’autres choses. Chacun a le droit de vouloir changer de métier ou de vocation, parce qu’il n’est pas évident de se déterminer définitivement à dix-huit ans.    

Article neuvième  
Le ministère de l’Économie ne dictera plus ses besoins au ministère de l’Éducation. Dorénavant, le ministre de l’Économie donnera tous les moyens nécessaires à l’Éducation nationale pour réussir sa vocation.

Albert Jacquard

6 commentaires:

marieH a dit…

Luc,

C'est génial !

Michaëlle a dit…

Peut-être effectivement un peu utopiste mais je le rejoins entièrement sur le fond !!!
J'adore !

Anonyme a dit…

En effet utopiste, mais si seulement cela pouvait être la vérité.
Je vous remets le bonjour à vous Luc, à votre femme et à Lou !
Bisous

ANDREE a dit…

Utopique peut-être mais devrait être lu par des "hauts-placés"
Merci pour le message, il est toujours bon de lire du positif...

Berlebus (alias Luc Boland) a dit…

Pas si utopique que cela quand on regarde le système de l'enseignement en Suède.
;-)

Anonyme a dit…

Quel Beau plaidoyer pour un monde plus juste, ou chacun aurait enfin sa place, tenant compte de ses forces, et non de ses faiblesses. Ou chacun serait solidaire, partagerait sa musique avec les autres, pour qu'ensemble, nous puissions réinventer une mélodie...