Comme tous les ans, nous avons mis à profit cet été et les vacances où Lou est totalement à notre charge 24 heures sur 24 pour le booster. Mais cette année, nous avons mis le turbo.
En amont et face à
la recrudescence des tocs et angoisses, nous avons refait un point
psycho-médical. Bilan : le retour du Serlain (un anti-dépresseur léger,
mais à une dose un peu plus élevée que par le passé) et un nouveau médicament
de plus : le Cortisol (hormone), car depuis sa naissance, son taux de
cortisone était tangent étant donné son insuffisance post-hypophysaire, ce qui
peut avoir des conséquences sur son humeur. La combinaison de ces deux médicaments
a commencé à donner des résultats positifs vers la mi-juillet.
Côté coaching,
son bulletin catastrophique de fin d’année scolaire
et son comportement d’un adolescent de 16 ans (réplique usuel à nos
demandes : « je suis pas de la merde ! ») ont été au centre
de toute notre démarche.
- Non, ma petite crotte, tu n’es pas de la merde et
c’est pour cela qu’on veut t’aider à être heureux ! (conflit désamorcé sur
la champs avec cette pirouette humoristique).
Objectif : le préparer mentalement à a rentrée,
mettre des cadres strictes à son comportement (présent et futur), positiver le
sens de l’école et s’engager vis-à-vis de lui pour qu’à la rentrée, le corps
professoral et les éducateurs travaillent main dans la main avec nous et
surtout, prennent en compte ses spécificités mentales (ses difficultés de
concentration, de conceptualisation et de mémorisation – il faut répéter de
nombreuses fois une nouvel information pour que Lou l’acquière - ).
A ces conditions, le « deal » a été clair avec lui : fini de refuser le travail demandé par un professeur en classe. A défaut, la sanction ultime tombera à chaque fois : suppression de son I-touch pendant 24 heures.
A ces conditions, le « deal » a été clair avec lui : fini de refuser le travail demandé par un professeur en classe. A défaut, la sanction ultime tombera à chaque fois : suppression de son I-touch pendant 24 heures.
Pour comprendre la situation scolaire de Lou, il
faut savoir que Lou se trouve dans une classe d’enseignement spécialisé comptant
9 élèves (la norme), tous aveugles ou malvoyants (deux pédagogies distinctes),
tous avec une déficience mentale légère à modérée ou des troubles du
comportement.
Face à cette bande de
lascars singuliers : un seul professeur, différent toutes les cinquante
minutes (modèle calqué sur l’enseignement secondaire traditionnel), avec
occasionnellement un soutien. Ceux-ci doivent donc obtenir des acquis de la
part des élèves dans un temps très court. Il n’y a pas de place ni de temps
pour affronter le refus de travailler d’un élève, ce que Lou, dans sa paresse
candide (à quoi bon l’école !), a très bien compris.
Cinquante minutes
pour 9 élèves égalent 5 minutes par élève, auxquelles on rajoute les cinq
minutes d’entrée et de sortie, ce qui complète
l’heure de cours, m’a un jour répondu un professeur. Grosso modo, ces jeunes doivent
donc acquérir chacun en cinq minutes un apprentissage (quel qu’il soit) et doivent
ensuite pouvoir être autonome pendant les 40 minutes restantes pour le
poursuivre. Donc dès que Lou refuse, ce professeur le "laisse tranquille".
Or comme je
le disais précédemment, Lou a d’énormes difficultés pour se concentrer.
La musique est une exception, une bulle magique. Il refuse souvent de
travailler et a une tendance à la paresse. Il se laisse aussi influencer par
d’autres pour dire ou faire des choses proscrites et finit par les imiter. Il
faut donc le booster et amicalement lui « botter (symboliquement) les
fesses » pour le motiver. Il a besoin de calme aussi, beaucoup de calme
pour se concentrer. Il a souvent besoin qu’on lui répète les informations,
qu’on s’assure de son attention en ayant quelqu’un à côté de lui. Il a besoin
de confiance, d’encouragements et qu’on outrepasse amicalement ses refus. A ce
prix là, viennent les progrès et l’acquis. Et son potentiel est largement plus
élevé que ce qui est fait aujourd’hui avec lui, même si il est limité et le
restera, compte tenu de la déficience structurelle de son cerveau.
Face à cette
situation, je me suis donc engagé en retour auprès de Lou à trouver des
réponses à ces problèmes scolaires. Dès la fin juin, J’ai donc contacté la
direction de l’école pour proposer des aménagements et des solutions. A une
semaine de la rentrée, j’attends toujours des réponses à mes demandes et
suggestions, mais je ne lâcherai pas le morceau, car de son côté, Lou a fait
d’énormes progrès en deux mois de temps : il s’est engagé à respecter le
contrat (travailler en classe et ne plus refuser de la faire). Il a mis cela
aussi en application dans notre vie quotidienne, acceptant toutes nos décisions,
démontrant une volonté d’apprentissage à l’autonomie dans des petits gestes
quotidiens et participant à de longues, très longues discussions parfois sur la
nécessité de l’apprentissage et sur l’autonomie, sans lesquels il finira ses
jours dans un centre de vie pour adultes handicapés, à tourner en rond entre
son piano, son I-touch et son monde imaginaire.
Dans le même temps, on a constaté une nette régression de ses tocs et
une amélioration de son humeur, comme quoi…
L’année passée déjà, nous l’avions boosté de la sorte, mais de
manière moins stricte, et il avait commencé son année scolaire de manière très
positive. Hélas, les conditions scolaires
étant ce qu’elles étaient, le soufflé est retombé au bout de deux mois.
Le défi est donc cette fois de ne plus perdre ces formidables acquis estivaux.
Une guerre amicale et constructive est donc déclarée. Début juillet,
j’ai adressé un courrier à l’attention de la direction de l’école de Lou, que je
concluais par une « lettre aux enseignants » qui sera ici aussi ma
conclusion :
Lettre
aux professionnels de l’école de Lou :
A
vous qui avez choisi ou non de travailler auprès de jeunes en situation de
handicap, je
voudrais avant toute chose vous remercier pour ce choix et vous féliciter
sincèrement pour votre courage et votre travail, compte tenu des conditions
dans lesquelles vous êtes amenés à devoir exercer votre profession.
Il
se peut que vous vous sentiez découragé face à la population de jeunes dont
vous avez la charge. Nombre d’entre vous, n’ont pas reçu de formation
spécifique au handicap, puisqu’il n’y a pas de cursus pour exercer dans
l’enseignement spécialisé. Nombre d’entre vous sont sans doute démunis face aux
comportements de nos enfants.
Je
voudrais juste vous dire que nous, parents, sommes là pour vous aider à les
comprendre. Nous avons besoin de votre complicité et de votre confiance, de vos
expériences et vos compétences aussi, pour qu’ensemble, nous ayons le bonheur
de voir le possible de nos enfants. Avec leurs limites.
Les
normes d’encadrement de l’enseignement spécialisé sont insuffisantes face au
travail à accomplir pour arracher une à une les épines qui empêchent nos jeunes
de s’épanouir. Mais
sachez qu’il existe des écoles d’enseignement spécialisé, en Belgique, où mains
dans la main, au-delà parfois des heures légales prestées, des enseignants et
des parents construisent un avenir pour ces jeunes en difficultés. Sachez
que ces professeurs sont heureux de venir travailler, et un peu plus s’il le
faut, car ils font le plus beau métier du monde : celui de parvenir à élever
un enfant avec ses forces et ses faiblesses.
Allez
à la rencontre des capacités de chacun pour les amener vers d’autres
compétences.
N’oubliez
pas que le handicap peut être mental, physique, social et même affectif.
Oser
briser la morosité de ce quotidien, du « ce qu’on peut », pour la
joie de l’espérance, de « ce que l’on veut ou a rêvé ». Enseignants,
directions, éducateurs et membres du personnel : ayez le plaisir et la
fierté de faire partir d’une institution qui ose proposer autre chose, un exemple
à suivre.
Sachez
enfin, qu’en tant que parent, nous n’avons que vous sur qui nous appuyer pour
les faire progresser.
Et
si d’autres parents vous semblent démobilisés ou moins favorisés, tendez-leur
la main, car ils n’en voient pas beaucoup se présenter face à eux.
Telle
devrait être votre mission. Exaltante.
Rangez votre foulard
syndical, oubliez les normes, sortez de votre cadre et de votre
corporation : nous sommes tous des matelots sur un même bateau.
Luc
Boland
Papa
de Lou, 16 ans, porteur du syndrome de Morsier (Cécité, anosmie, déficience mentale légère, TED,
insuffisances hormonales, aptitudes musicales exceptionnelles).
3 commentaires:
Luc, puisse un jour les enseignants s'inscrire dans la continuité de ce merveilleux travail que vous faites avec Lou!
Avec toute mon admiration,
Valérie Chapaux
Autiste Asperger, je participe à une thèse de doctorat sur l'utilisation des intérêts spécifiques des enfants autistes comme pivot pour leur apprentissage.
Bonjour Luc,
je lis avec grande émotion tes mots sur ce message aux personnels autour de personnes en situation de handicap,
et je te remercie, comme c'est bien formulé au plus près...
Les années depuis le changement de région furent costaudes,
et je peux dire qu'un tournant s'est pris l'an passé, au niveau de la direction de l'APEI, un changement de vue,
que les chefs de service ESAT et Foyer d'hébergement, remplacés par des personnes aux vues différentes,
qu'il en fallu de mes peurs, mes détresses, mes partages, mes discussions, mes *elle nous dérange celle là.
Et que des formations en autisme, l'an passé, cette année, en Février, qui pont changé le regard de pros qui savaient, en étant à côté de l'essentiel...
la personne en difficultés a besoin d un coach, d un soutien, d'être sollicitée le plus possible, de rire, de loisirs, d'avoir envie de en essayant...
pour éviter comme tu le dis bien de tourner en rond sans rien faire le soir au foyer...
Jean Sé a traversé une grosse crise courant 2011, 1er trimestre 2012, car mal soutenu, pas cadré, laissé à lui, changé de ts ses repères en nouvelle région,
et depuis sept 2013, il va de mieux en mieux, tellement bien, c'est inespéré...et tant de mises en place autour de lui, c'est génial, la direction à l'écoute...
ET PUIS lui autiste en ESAT SA ESAT c'est quand même rare, mais c'est possible car on n a pas baissé les bras, même si certains ont failli m'achever...
TIENS BON,
c'est bien de les soutenir les pros, c'est bien qu ils soient formés, c'est bien que leur direction les appuie, C est essentiel...
BONNE RENTREE, je vous souhaite le meilleur possible. Il y en a qui se décarcasse pr sauver de la vie, dans une vie, et c'est immensément précieux pr nos enfants, pr lesquels, nos cerveaux sans cesse sont habités par eux, leur vie à venir.
Tendrement.
Annick
@Annick : ravi de te lire et d'avoir des nouvelles de Jean-Sé !
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