Le coronavirus est invisible à nos yeux.
Il n’y a rien de pire que l’invisible et l’inconnu.
De l’angoisse ambiante.
« Suis-je porteur du virus, sans le savoir ? »
« Vais-je être contaminé ? »
Nous voilà tous plongé dans la réalité de Lou depuis… 21 ans.
Notre bonhomme est né avec un syndrome extrêmement rare dont la science
ne connaît pas grand chose encore aujourd’hui : le syndrome de Morsier ou
Dysplasie septo-optique. Il est né aveugle, sans odorat, avec une insuffisance
hormonale modérée et enfin une déficience mentale (absence de la cloison qui
sépare les deux hémisphères du cerveau). Conséquence : un repli sur
lui-même, la peur d’un monde imperceptible à ses yeux, une difficulté absolue
pour rationnaliser l’abstrait et même le concret, comprendre l’infiniment grand,
l’infiniment petit, et enfin, gérer ses émotions.
Comment comprendre le soleil, la terre, les étoiles sans la vue ;
appréhender l’espace (dans tous les sens du terme) ; accepter ce qui
apparaît comme des agressions extérieures dénuées de sens (une piqûre, se
cogner à un poteau, un bruit inconnu, une explosion, …).
Toute sa petite enfance, nous avons du nous battre amicalement pour le
sortir de sa bulle dans laquelle il se réfugiait pour fuir des réalités incompréhensibles
à ses yeux, s’isoler de toute forme d’agressions injustifiées ou injustifiables
à son esprit.
Comment gérer des émotions sans frein, puisque c’est le rationnel qui
nous permet de gérer nos émotions ?
Lou en fut dépourvu durant de longues années.
Si une blague le faisait rire, cinq heures après, il se marrait
toujours autant, se la passant en boucle dans sa tête. Amusant, voire cocasse… Mais
il en était de même pour la tristesse, la colère ou la peur. Une alarme, un
pétard ou un mouton bêlant à son oreille ? Nous étions partis dans une
lutte amicale de plusieurs heures pour le consoler, le rassurer, parfois en
vain. Certaines de ces peurs (l’alarme, le mouton, …) devinrent des obsessions
qui perdurèrent pendant 2, 3, 4 ans.
Face à un syndrome si rare et méconnu de tous, une grande majorité de
professionnels ne comprenait pas le comportement de Lou qu’ils jugeaient comme
étant des caprices, de la paresse, voire une mauvaise éducation. Nous avons du
nous battre là-aussi pour leur faire comprendre la réalité de Lou, souvent en
vain.
Il nous a fallu aussi réduire au maximum l’imprévisible afin de le
confiner dans un monde rassurant fait d’habitudes et de rites dont nombres
d’entre eux subsistent encore aujourd’hui. Nous lui avons appris à apprivoiser
ses peurs, nous retrouvant par exemple littéralement dans la même situation que
le pilote de Saint-Exupéry dans « Le Petit Prince » face à la peur du
mouton.
Fort heureusement, la plasticité du cerveau et notre infinie patience
permettent aujourd’hui à Lou de bien gérer ses émotions, même si des petits
reliquats subsistent ça et là. Nous avons conquis de haute lutte sa confiance
et Lou n’a plus peur du mouton, que du
contraire ! Il a ainsi apprivoisé de nombreuses peurs.
Nous voilà donc tous confrontés à la même réalité que Lou :
l’invisible, l’imprévisible, l’inconnu… .
Il revient à chacun de nous de rationnaliser nos émotions, de nous
entraider, nous encourager, bref, d’être solidaires.
Puisse cette étrange aventure planétaire nous faire revoir nos valeurs,
nos modes de fonctionnement.
Puisse-t-il y avoir un avant et un après le coronavirus.
Ah oui, juste une dernière chose pour tout ceux qui ne connaîtraient
pas Lou : l’absence de cette cloison et de rationalité expliquent son
talent musical hors normes, puisque petit, il ne vivait que dans l’imaginaire,
la créativité et l’émotionnel (l’hémisphère droit ne communiquant pas avec
l’hémisphère gauche : la rationalité).
Il n’est pas le seul, porteur de ce syndrome, à développer un tel
talent musical.
Par conséquent, si vous souhaitez faire de l’artistique, oubliez par
contre votre rationnel : lâchez vous, laissez parler vos émotions. L’art
n’est qu’émotions partagées.
Bon confinement à tous et haut les cœurs.
A propos de Lou :
Luc Boland
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