lundi 2 août 2010

Le Grand Camp

Lettre manuscrite par Tazou, un des chefs des Faons :

Bonjour Papa, Bonjour Maman,

Delphine attaque Joëlle ! Pourriez-vous s’il vous plaît libérer Joëlle ?

Pendant le camp on a fait ce qui se termine par la syllabe « ELLE » et surtout on a dit « poubelle ». On n’a pas dit beaucoup « Joëlle ».
Je n’ai pas peur au rugby parce que je risquais de prendre la balle en pleine pELLE mais ceci dit tout a été positif pendant ce camp.

Ce qui était chouette pendant le camp, c’est que j’ai beaucoup joué à Joëlle que je comparais à une poubELLE.
Ce que je préférais le plus c’est ma copine Rachel* qui termine par « ELLE ». *(NDLA : une petite fille porteuse de la Trisomie 21)
Mais hélas, tout le monde ne pensait pas comme Alice (ma sizenière). XXX, un autre faon avec un caractère officiEL, trouve qu’Alice doit beaucoup plus travailler pour la sizaine. Hier, j’ai pleuré parce que Alice s’apprêtait à péter un câble, mais heureusement ma pauvre sizenière a pleuré la nuit. Donc, je n’ai pas pu l’entendre, mais je l’ai beaucoup consolé à cause de cette dispute officiELLE.

Jusqu’ici tout va bien au camp avec la poubELLE.
Je vous aime très fort comme une coccinELLE enfermée dans une poubELLE.
Vous me manquez, à très vite et libérez surtout JoëLLE !!!

Lou
(Delphine qui attaque Joëlle).

Pas de doute, c’est une lettre de Lou.
Que rajouter de plus…
Ben si ! Car c’était pas gagné ! Une « aventure » de quatre mois.
Quatre mois durant lesquelles Lou nous faisait part de sa volonté de ne pas aller au grand camp. Au début, il y eut même deux gros chagrins nourris par l’inquiétude, que nous avons chassés à force de câlins et de mots, doux et rassurants.
Quatre mois de lente persuasion :
- C’est encore plus chouette que les petits camps, Lou. ... - C’est pas du tout la même chose... - On va rencontrer les chefs pour en discuter tout ensemble. OK ?
Ce qui fut fait.

Deux heures de discussion sans Lou, puis une heure avec lui. Il a vite été convaincu par nos arguments teintés de tant d’optimisme et de nombreuses perspectives alléchantes. Un contrat est “signé” avec lui pour qu’il passe au moins sept jours sur les dix que compte le camp. Juste deux jours de plus que lors des “classes vertes” avec l’école.
- Top là, papa !
C’était fin juin.

Dès lors, plus aucun soucis ou autres inquiétudes. Les choses étaient claires et les perspectives positives.
Juste un doute, vingt-quatre heures avant le départ. Assis derrière son piano. Il s’arrête de jouer et s’adresse à moi. Une minute. Le temps de revoir le contrat :
- Oui mais papa... SI... Je dis bien si, hein ? SI... j’ai pas envie de rester sept jours... Tu viendras me chercher ? Parce que...
Je sens sa voix tremblotter et les émotions monter. Je m’approche de lui et enfonce mes mains dans sa tignasse.
- Stop, Petit gars ! Stop ! TU oublies. Positif ! Tout va bien. Moi, je parie que tu voudras rester jusqu’au bout du camp tellement que tu t’y amuseras. Et de toute façon, on a passé un contrat, mon gars. C’est juste deux jours de plus...
Son visage s’illumine, il agite sa tête tout en la poussant dans ma main :
- Des... ?
Je réponds sur le champs et descend ma main dans sa nuque pour la remonter lentement :
- Zooo... ?
Il poursuit :
- Riiiiii.... ?
En coeur :
- Bles... friiiiissoooons !!!
Au fur et à mesure que mes doigts remontent sa nuque, il hausse les épaules pour tenter d’y cacher son cou, il frémit et s’agite pendant qu’un sourire inonde son visage.
- Des frissons, des frissons, des frissons !

Le jour du départ, à la gare, il est guilleret. Nous l’avons gonflé à bloc. Il n’y a pas d’autres mots. Nous savons bien que ce ne sera pas facile mais il est dans de bonnes mains. Il va devoir mordre sur sa chique. Apprendre à participer. A la vie du camp aussi : la vaiselle et tutti quanti. Nous le lui avons maintes fois expliqué, en présentant les choses comme étant normales.

A nos petits pincements au coeur qui s’invitent sans crier gares, nous répondent de belles perspectives :
La première et la plus importante est que Lou va vivre une grande première, à l’aube de ses douze ans : vivre sept jours avec des enfants de son âge qui, pour une grande majorité, n’ont pas de handicap. Il va (enfin) entendre des enfants qui vivent autrement. Pensent autrement. En immersion. Et versa. Ce n’est pas la même chose que les réunions en journées pendant l’année. Ils vont Etre ensemble. Pour qui l’a vécu, c’est un camp, tout simplement ! Là, je n’ai pas besoin des mains expertes de Lou pour avoir des frissons... Je ne trouve pas de mots pour qualifier l’émotion qui m’envahit à cette perspective. Mon p’tit gars va bien porter son surnom du moment.
La seconde raison est aussi une grande première depuis... douze ans, l’âge de Lou... : nous allons nous retrouver sept jours sans enfant, Eva étant aussi à son camp des guides et Mathilde volant de ses propres ailes. Bon, nous devrons travailler en semaine, mais nous trouverons les moments pour nous faire du bien. Tant de devoirs et de contraintes en moins. C’est déjà des vacances. 12 ans...

Après quatre jours d’un calme troublant dans la maison, premier coup de téléphone convenu avec un chef.
- Tout va bien. Lou est super au point d’être nommé “Faons d’honneur” le second jour.... - Il est super copain avec Rachel (cfr. sa lettre) et n’a pas encore demandé à jouer sur son synthétiseur...
- Pardon ?
Nous avons bien entendu : Lou a passé quatre jours sans demander de jouer au “piano”. Son plaisir quotidien. Habituellement, deux à trois heures par jours.
Il y a bien eu un petit coup de blues, à la lecture de nos deux premières lettres préécrites et quotidiennes, au point que les chefs ont décidé de ne plus les lui donner, car sans cela, il parle pour ainsi dire jamais de nous. Nous convenons même de ne pas l’appeler au téléphone.
La perspective se dessine qu’il puisse rester jusqu'à la fin du camp.
Nous convenons de nous rappeler la veille du septième jours.

- Salut, Lou. Alors ? Il paraît que cela se passe super bien !
- Tu viens me chercher demain ?
- C’est comme tu veux. On s’est engagé à venir te chercher, mais si tu veux rester, se serait super.
- Mais je préfère rentrer. Un contrat c’est un contrat !
A ces mots, pas de discussion possible. Il ne faut pas transformer la course de fond en saut d’obstacles.

Le lendemain, direction Villers-Le-Temple. A notre arrivée, nous sommes touchés de voir sa sizenière et d’autres enfants l’encadrer avec amitié et prévenance. Nous rions en voyant Lou discuter avec Rachel et l’imiter. Notre Lou va bien.
Gros revers de la médaille : les tocs ont repris le pouvoir. Du plus bénin au plus sâle. Voilà où se sont donc réfugiés toutes les angoisses et les peurs. On s’y attendait un peu et la tâche s’annonce ardue.

Nous ne manquions pas d’objectifs prioritaires avec Lou, mais l’envahissement des tocs redevient une priorité absolue. Un nouveau cycle (re)commence.
Ainsi va la vie, mais Lou grandit.

(P.S. : Merci aux chefs des Faons et à tous les faons de la 14eme Saint Henri.)

4 commentaires:

ANDREE a dit…

Ton émotion me gagne et je termine la lecture les larmes aux yeux mais pas de chagrin mais plutôt de cette joie qu'on a quand on est heureuse comme je le suis... Quel bonheur de voir Lou avec son air heureux et joyeux et profiter d'autre chose que de la vie de tous les jours... Bien sûr, comme tu le dis il a canalisé ses peurs et ses angoisses mais pour la prochaine fois, je suis certaine que sa maman et toi sauraient le rassurer encore plus et puis il saura ce que c'est, s'éloigner pour s'amuser avec d'autres...
Je parie que les câlins et les frissons ont pris beaucoup de place en arrivant à la maison.
Je trouve merveilleux que de jeunes gens prennent le temps de s'occuper d'enfants différents pendant leurs vacances.
Bonne semaine
Un énorme bisous à Lou

cayenne a dit…

Bon Andrée a tout dit mais félicitations à Lou pour ce beau camp, en espérant que les parents ont bien profité aussi de ces 7 jours. bonne suite pour les vacances et bonne chance pour la guerre des toc

Berlebus (alias Luc Boland) a dit…

C'est effectivement génial que des mouvements de jeunesse pratiquent ainsi l'inclusion.
Oui, oui, Cayenne, on en a un petit peu profité. ;-)
Luc

laetitia a dit…

Coucou la tribu !

Waouh que de changements pour toi Lou !
Et tu sais quoi ???? Et ben tu as fait ton camps juste à côté de chez moi. D'ailleurs je pense vous avoir vu en promenant le chien.
Si j'avais su, vous seriez passé prendre le goûter à la maison ;-)

Bisous à tous